Y repenser, le repenser - Festival International de Contis, 18e édition

 

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# 1 Rappel : il y a cinéma quand il y a art

Au festival de Contis comme ailleurs (mais, cette année, plus à Contis qu’ailleurs) il y a le « le cinéma que c’est la peine » et « le cinéma que c’est pas la peine ». Et « le cinéma que c’est pas la peine », ce n’est en réalité pas du cinéma (des propositions artistiques) mais autre chose. Ce sont des leçons ou des messages bien-pensants, du quant-à-soi (Seul The Devil de Jean-Gabriel Périot nous rappelait que l’histoire et le collectif existaient), du marketing), des gags, du bon goût ou du mauvais goût, des téléfilms évadés de la TV au naturalisme caricatural (genre le plus représenté), etc.

Certes, je n’ai pas vu tous les films de la compétition, seulement 30 sur 46. Quand bien même, sur ces 30, de combien le cinéma avait-il vraiment, c’est-à-dire pour creuser un peu plus loin en lui-même, besoin ? En voyant large, moins d’une dizaine : Lazare de Raphaël Etienne, Sevilla de Bram Schouw, Suis-je le gardien de mon frère ? de Frédéric Farrucci, Pour la France de Shanti Massud, « Où je mets ma pudeur » de Sébastien Bailly, Lisières de Grégoire Colin, Crossover – La Traversée d’Olivier Séror, Ogres niais de Bernard Blancan et The Devil de Jean-Gabriel Périot. Autant dire que, cette année, le festival de Contis, par ailleurs fort accueillant, brassait trop large et sacrifia la qualité sur le banquet de la quantité. Si bien que les films au souci proprement artistique (des films qui cherchent) devaient s’y sentir un peu seuls.
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# 5 Où est passé le sublime ?

La grandiloquence comique ou tragique, le geste trop grand pour le corps qui le fait, l’événement invraisemblable pour le récit qui le contient, la décision qui ose et qui dépasse plutôt que la pose qui lasse, la coupe de montage qui bouleverse, bref, n’importe quel ordre de grandeur qui laisse au spectateur un sentiment d’illimité, étaient quasiment absents d’un festival pourtant placé sous le signe de la démesure punk du réalisateur F.J. Ossang, le président du jury.

Le sublime, au sens strict de ce qui s’offre comme absolument grand, et toutes les dimensions esthétiques qui lui sont d’ordinaire associées (l’effusion, l’agitation, le mouvement des masses, la grandeur des espaces, le regard-vertige sur le temps historique, le merveilleux, le magique, le transcendant, bref, toute forme de dépassement et de dérèglements grandioses du réel ordinaire) était la donnée absente du festival. The Devil de Jean-Gabriel Périot, sept minutes d’images d’archives sur les Black Panthers sur fond d’un air déchaîné de Boogers, nous libéra, un court instant, du règne de l’infime. C’était une injection brutale dans les esprits d’un condensé vivifiant de conscience politique. Pourquoi sublime ? Parce que voir la progression éclair d’enfants noirs devenir révolutionnaires, de personnes concrètes apprendre à crier au monde leur égale dignité, tandis qu’une voix répète d’un air traînant « If you look upon my face, you are watching now the devil », cela force un spectateur assis dans son fauteuil, à faire, presque dans la peur, l’expérience de sa propre limitation politique : face à nous tous, inactifs, se déploie un phénomène de révolte sociale dont la reproduction nous semble alors inéluctable. Bref, un film qui tourne nos fauteuils dans le sens de l’histoire.
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Matthieu Bareyre
Critikat, juillet 2013
www.critikat.com/Festival-International-de-Contis.html